Une nouvelle étude dans la revue Rapports scientifiques explore l’impact de la lassitude des médias sociaux, des capacités cognitives et de la présence de traits narcissiques sur la probabilité de partager des informations erronées.
Étude: Examiner l’association entre la lassitude des médias sociaux, les capacités cognitives, le narcissisme et le partage de désinformations : preuves transnationales provenant de huit pays. Crédit d’image : r.classen/Shutterstock.com
Introduction
La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) a provoqué des maladies, des décès, des perturbations économiques et des divisions sociales dans le monde entier. En raison des restrictions de santé publique sur les voyages, l’utilisation des médias sociaux est devenue de plus en plus répandue, car de nombreuses personnes ont utilisé ces plateformes pour leurs sources d’informations, de société, de soulagement du stress et pour leurs besoins professionnels.
Parmi les conséquences imprévues de cette dépendance accrue aux médias sociaux, citons une vague de désinformation se propageant à l’échelle mondiale via les plateformes de médias sociaux. Cette propagation de la désinformation a été décrite comme une « infodémie » moderne qui affecte profondément et de façon permanente les attitudes des gens à travers le monde.
Cependant, la désinformation n’affecte pas de la même manière tous les utilisateurs des réseaux sociaux. Par exemple, les personnes qui croient à la désinformation sur le COVID-19 sont souvent les mêmes qui croient à la désinformation politique, dont la plupart sont des personnes plus âgées et moins instruites, avec des performances cognitives moindres.
L’utilisation des médias sociaux a conduit à la disponibilité d’importantes quantités d’informations sur ces plateformes, provoquant ainsi une surcharge d’informations et une lassitude des médias sociaux (SMF). SMF, qui fait référence à l’envie d’arrêter ou de réduire l’utilisation des médias sociaux en raison de la surcharge, peut conduire à un engagement dans la désinformation.
Si les gens sont trop épuisés par la surcharge d’informations, ils peuvent être prédisposés à croire les informations partagées de manière claire sur les réseaux sociaux sans en analyser la véracité. De plus, les algorithmes des médias sociaux présentent aux utilisateurs davantage de ce qu’ils recherchent, renforçant ainsi leur confiance dans l’honnêteté de l’information.
Ce phénomène peut accroître la confiance dans les fausses croyances grâce à l’effet de vérité illusoire, qui maintient que les informations répétées sont considérées comme plus véridiques.
La pensée cognitive a été liée à la fois positivement et négativement à la désinformation. Cependant, cela pourrait interagir avec les traits de personnalité pour modifier le niveau et le type d’engagement envers la désinformation. Il existe peu de recherches qui considèrent ces deux facteurs conjointement.
La présente étude a également déterminé si et comment le narcissisme affecte la croyance et le partage de la désinformation. Enfin, les chercheurs ont cherché à examiner également les pays asiatiques pour leurs bases factuelles, plutôt que seulement l’Occident, en considérant ses plus de 2,1 milliards d’internautes.
Les chercheurs ont utilisé des enquêtes et des méthodes d’échantillonnage par quotas. Plus de 8 000 réponses provenant des États-Unis, de Chine, de Singapour, d’Indonésie, de Malaisie, des Philippines, de Thaïlande et du Vietnam ont été obtenues.
Qu’a montré l’étude ?
Les Singapouriens s’appuient moins sur la désinformation sur le COVID-19 que les autres pays, tandis que les États-Unis et la Chine ont les taux d’exactitude perçue les plus élevés.
Les Philippins étaient les plus susceptibles de croire et de partager des informations exactes. Cela peut être attribué à la position agressive du gouvernement philippin en matière de désinformation, car il a mis en œuvre des campagnes de vérification des faits et d’éducation publique qui garantissent la sécurité des plateformes en ligne permettant d’obtenir des informations fiables.
À l’exception du Vietnam, les jeunes de la plupart des pays étaient plus susceptibles de croire et de partager des informations erronées, surtout s’ils étaient politiquement engagés. Les personnes qui apprenaient leurs nouvelles sur les réseaux sociaux plutôt que sur la télévision étaient également plus susceptibles de croire et de partager des informations erronées aux États-Unis, à Singapour, en Indonésie et aux Philippines.
Les personnes ayant des capacités cognitives élevées étaient inversement associées à la croyance et au partage de fausses informations. Les personnes atteintes de SMF présentaient des taux plus élevés de croyance dans la désinformation sur le COVID-19, mais seulement une faible association avec leur partage.
Une croyance accrue dans l’exactitude de la désinformation était liée à un partage accru. Il existe une association directe entre SMF et la croyance en de fausses informations sur le COVID-19, mais l’association indirecte mais cohérente entre SMF et le partage suggère que SMF incite les gens à partager des informations erronées sur le COVID-19.
Dans tous les pays, à l’exception du Vietnam, le narcissisme était associé à des taux plus élevés d’engagement dans la croyance et le partage de fausses informations. Les effets indirects sur la croyance personnelle et le partage de la désinformation sur le COVID-19 se sont affaiblis avec à la fois une capacité cognitive accrue et de faibles traits de narcissisme.
Quelles sont les implications ?
Cette étude interculturelle et transnationale a démontré que le SMF est un moteur de la croyance et de la propagation de la désinformation sur le COVID-19. Plusieurs raisons contribuent à ce phénomène, notamment la fatigue cérébrale due au poids des informations qui circulent aujourd’hui. Cela pourrait altérer la capacité de penser et de raisonner sur l’information, encourageant ainsi son acceptation sans remettre en question sa logique.
Les moteurs de recherche et les algorithmes des réseaux sociaux fonctionnent pour promouvoir des contenus ayant un attrait instantané, qui peut être dû à une controverse ou à un contenu émotionnel. Ce type de contenu sera proposé de manière répétée au consommateur, déclenchant ainsi l’effet de vérité illusoire.
Ainsi, SMF favorise des croyances inexactes, surtout si l’individu a déjà un préjugé préexistant en faveur de l’argument. Cependant, cette association n’est pas universelle, car les capacités cognitives et les traits narcissiques d’un individu atténuent le risque.
De manière inattendue, nous constatons que même parmi les groupes aux capacités cognitives élevées, les individus ayant des tendances narcissiques plus élevées sont plus susceptibles de percevoir la désinformation comme exacte et de la partager sur les réseaux sociaux lorsqu’ils sont fatigués..»
Malgré cette découverte, les associations indirectes les plus élevées sont observées chez les individus présentant un narcissisme élevé et de faibles capacités cognitives. Ces types de personnes partagent fréquemment des informations erronées en ligne, ce qui pourrait être une tentative de se sentir importante en partageant des informations qui confirment leurs propres préjugés. Cela peut également permettre à ces individus d’obtenir plus d’attention socialement malgré leur manque de pensée analytique, d’autant plus que leur partage consiste en des opinions et des nouvelles plus controversées et qui attirent l’attention.
Le narcissisme favorise également la demande de gratification immédiate. Lorsqu’ils sont fatigués, comme avec SMF, les narcissiques ayant de faibles capacités cognitives ont tendance à partager impulsivement des informations erronées sans vérifier les faits.
Compte tenu des effets néfastes à long terme des médias sociaux, notamment en tant que source et amplificateur de désinformation sur la santé mentale, le comportement social et les divisions politiques, des lignes directrices juridiques et commerciales sont nécessaires de toute urgence. Ces réglementations doivent viser à réduire les SMF, à limiter la propagation de la désinformation et à sensibiliser l’opinion à l’information en ligne.
Les stratégies axées sur ces résultats devraient être conçues pour atteindre diverses populations, y compris les personnes ayant de faibles capacités cognitives et des traits narcissiques, car elles sont plus susceptibles que les autres d’être trompées et de croire à des informations erronées sur le COVID-19 lorsqu’elles sont fatiguées.
Toute tentative scientifique visant à comprendre l’engagement du public face à la désinformation doit se concentrer sur la personnalité et les traits cognitifs des individus..»